Le préjudice économique pour les assureurs

Les assureurs le nomme dommage immatériel, mais ils ne garantissent pas de la même façon ceux consécutifs (à un dommage matériel), les non consécutifs et les purs.

Ces dommages immatériels sont le plus souvent difficile à évaluer et à tarifer. Aussi, les assurances l’ont longtemps exclu des contrats de responsabilité civile. Cette exclusion concerne l’auteur du dommage qui ne peut pas compter intégralement sur son assurance pour dédommager la victime.

La multiplication de ces dommages a poussé les assureurs à revoir leur position et les contrats couvrant des dommages immatériels ciblés ont été progressivement proposés.

Surtout, les assureurs distinguent 3 catégories de dommages immatériels :

les dommages immatériels consécutifs : conséquence d’un dommage corporel ou matériel garanti par un contrat dommage ou un contrat responsabilité civile qui prévoit une extension au dommage immatériel. Cela concerne généralement une privation de jouissance avec une clause de type  « tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d’un droit, de l’interruption d’un service rendu par un bien meuble ou immeuble ou de la perte de bénéfice qu’entraîne directement la survenance de dommages matériels garantis« .
Exemples :
– suite à un incendie involontaire sans responsabilité d’un tiers, l’extension perte d’exploitation du contrat incendie de l’entreprise sinistrée permet d’indemniser la perte d’activité consécutive au dommage incendie
– un véhicule ayant détruit partiellement la devanture d’un commerçe, ceci entraîne l’arrêt de la vente pendant la durée des travaux de réparation. Pour l’assureur du véhicule, le dommage matériel est garanti et l’extension responsabilité civile intervient pour le préjudice immatériel qu’est la perte d’exploitation qui en découle. La perte d’exploitation est bien consécutive à un dommage matériel garanti.

les dommages immatériels non-consécutifs : ne font pas suite à un précédent dommage matériel. Ils concernent généralement l’interruption d’un service occasionnant une perte financière (ex : informatique). La victime peut en demander la réparation car elle a subi ce préjudice sans en être la responsable.
Un matériel livré présente un défaut (vice interne caché) et il est ainsi inutilisable pendant un certain temps. Pour son utilisateur il en résulte un manque à gagner. Bien qu’il n’ait pas endommagé d’autres biens, l’assurance responsabilité civile du fournisseur si elle est étendue aux immatériels non consécutifs couvre l’indemnisation de ce manque à gagner.
Exemples :
Une entreprise installe une grue dont le montage ne reçoit pas l’approbation de l’organisme de vérification. Pour la mettre en service, il est nécessaire de procéder à son démontage et remontage. Le chantier ne peut démarre que plus tard. Les conséquences financières générées par l’arrêt de chantier constituent des dommages immatériels non consécutifs.

les dommages immatériels purs : le dommage immatériel pur apparaît à l’occasion des conséquences du seul défaut ou de la seule insuffisance de performance du produit livré. La fourniture de l’assuré n’a pas causé de dommages et n’a elle-même subi aucun dommage matériel. Le produit ou la machine n’a pas fourni le rendement prévu, provoquant de ce fait des baisses de production chez le client. Les conséquences pécuniaires sont couvertes par le contrat d’assurance responsabilité civile qui contient une telle clause de garantie des immatériels purs.

Ainsi, toute la question est de savoir comment sont assurés les différents dommages immatériels :

1° les conditions contractuelles de garantie des dommages immatériels
– Avec sa propre assurance perte d’exploitation, le dommage immatériel consécutif constitue la perte d’exploitation qui est assuré
– Pour les assurances responsabilité civile des tiers ayant occasionné un sinistre, généralement les dommages immatériels consécutifs sont garantis pour un montant plafonné confondu avec les dommages matériels souvent à hauteur de plus d’un million €. Pour les dommages immatériels non-consécutifs, quand ils sont garantis, le montant est beaucoup plus réduit.
Les dommages immatériels purs sont généralement exclus, c’est cette catégorie que craignent le plus les assureurs.

2° l’objet des garanties des dommages immatériels
Souvent dans les contrats d’assurance, l’objet de la garantie responsabilité civile est ambigu. Certains énumèrent les événements garantis : « toute privation de jouissance d’un bien, toute interruption d’un service, … « . D’autres ajoutent « la notion « pécuniaire« . C’est l’objet du contrat qui conditionne la prise en charge ou non des préjudices immatériels notamment non-consécutifs par l’assurance. L’idéal serait « tout dommage autre que corporel ou matériel« , tous les dommages immatériels seraient inclus dans la garantie.

3° Surtout, il existe des cas exclusions dans les contrats d’assurance
– le risque d’entreprise : Il s’agit là du risque que l’assuré doit supporter car non assuré. Cela concerne généralement la garantie des dommages subis par les produits fournis et/ou les prestations mal exécutées qui sont pratiquement toujours exclus, seuls les dommages causés à des personnes ou à des biens sont couverts.
– dans les contrats de type « tout sauf« , tous dommages entrant dans le cadre des activités déclarées aux conditions particulières sont garantis à la seule exception de ceux exclus par dans le contrat.
Ainsi, pour que les dommages immatériels soient garantis, il ne suffit pas que l’objet de type « dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs ou non causés à autrui » soit mentionné. Encore faut-il qu’il n’y ait pas une clause d’exclusion telle que les dommages immatériels non consécutifs renvoyant au risque d’entreprisetel « La livraison de produits, de travaux ou d’ouvrages non conformes aux caractéristiques prévues au contrat passé entre l’assuré et son client« , qui, pour un fournisseur de produits ou un prestataire, supprime la garantie liée à l’activité de l’entreprise assurée en responsabilité civile !!!

Face à de tels abus des assureurs sur les cas d’exclusion qui dénaturaient les contrats d’assurance responsabilité civile, la jurisprudence,  de la Cour de cassation, a limité de telles exagérations.
La jurisprudence a limité les exclusions qui vidaient de leur objet les contrats d’assurance responsabilité civile. La sanction de la non-conformité des clauses d’exclusion de garantie est la nullité de la clause elle-même.