Principe indemnitaire des pertes d’exploitation

En droit : Comme rappelé dans une communication de la Cour de cassation publiée au BICC n° 781 de mai 2013 sur : « Le préjudice économique des entreprises » :« Les pertes subies et gains manqués s’analysent ensuite à la fois sur le passé et sur le futur, à partir de la date de survenance des faits dommageables, et l’on peut donc distinguer, pour le passé, d’une part, les coûts supplémentaires et destructions d’actifs, d’autre part, les pertes de revenus passés, et, pour l’avenir, d’une part, les coûts supplémentaires futurs, d’autre part, les insuffisances de revenus futurs »… « Ces préjudices certains, actuels ou futurs, sont la perte subie ou le gain manqué (article 1149 du code civil) … ».

D’un point de vue économique et comptable : l’indemnisation d’une perte d’exploitation concerne la réparation d’un préjudice financier (dommage) par le versement d’une indemnité compensant la marge perdue suite à une baisse du chiffre d’affaires afin de permettre à l’entreprise de surmonter les conséquences financières et d’être replacer dans la situation bénéficiaire où elle se serait trouvée en l’absence de sinistre.

S’agissant d’un sinistre pour lequel l’entreprise victime est assurée, les indemnisations sont contractuelles avec des contrats limités en durée (6, 12, 24 mois) et les bases de calcul définies.

S’agissant d’un sinistre dont un tiers serait responsable, selon le principe de la réparation intégrale applicable : « Le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de placer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » (Cass. civ. 2°, 28 octobre 1954, pourvoi n° 54-07.081)

Objet de l’indemnisation d’une perte d’exploitation
Un arrêt plus ou moins limité dans le temps ou la simple gène de l’activité d’une entreprise se manifeste généralement par une baisse du chiffre d’affaires.
Malgré la diminution de ses recettes, l’entreprise doit de faire face à des charges comme les loyers, les salaires les charges sociales et fiscales, les remboursements d’emprunts,…
Il apparaît ainsi un déséquilibre entre les recettes et les charges qui pourrait aller jusqu’à créer une situation de cessation des paiements.
L’indemnisation d’une perte d’exploitation a précisément pour objet d’éviter le pire et même replacer financièrement l’entreprise dans la situation où elle se serait trouvé sans arrêt ou diminution d’activité par une juste indemnisation permettant de retrouver l’équilibre financier et commercial selon la durée nécessaire au rétablissement complet de l’activité.

Détermination du montant de la réparation à indemniser
Le montant de la réparation à indemniser nécessite une certaine pratique de la comptabilité de gestion (comptes de résultats dans le cas le plus simple et/ou Grands Livres comptables sur une période limitée ou saisonnalité des ventes, ….). Ce montant est déterminé à partir des résultats de l’entreprise en comparant les résultats des dernières périodes au résultat de la période de réduction d’activité selon :

1) on part des produits d’exploitation prévus ou prévisibles sans arrêt d’activité (chiffre d’affaires + production stockée + production immobilisée),

2) on détermine l’ensemble des charges variables directement liées au niveau d’activité (achats de matières premières, de marchandises, variation des stocks…) et la partie variable des charges semi-fixes dans les « autres achats et services extérieurs » (eau, gaz, électricité, transports, …) et quelques charges fiscales (Organic, …), financières, …

3) la différence e représente la masse des charges fixes comprenant la part du bénéfice prévisible. Exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires ce poste représente le taux de marge sur coûts variables,

4) cette marge sur coût variable appliquée au chiffre d’affaires perdu représente l’évaluation de la perte d’exploitation.

Ainsi, ce n’est pas le chiffre d’affaires perdu qui est indemnisé mais la marge sur coûts variables que l’entreprise n’aura pas supporté.

5) les autres frais doivent également être indemnisés, citons :
la baisse de marge sur le chiffre d’affaires réalisé (baisse de rendement ou augmentation du prix de revient dus aux perturbations),
– ainsi que les frais supplémentaires auxquels l’entreprise a été exposée pour minimiser la diminution de ses ventes,
– enfin des frais complémentaires nécessaires pour rattraper le niveau du chiffre d’affaires tel qu’il serait sans sinistre.
– il pourrait même être accordé une indemnisation pour perte de chance : perte définitive de clientèle ou de la valeur du fond de commerce voir d’échapper à une cessation des paiements avec l’ouverture d’une procédure collective.

Exemple d’évaluation d’une indemnité perte d’exploitation
Une entreprise devait faire des ventes pour 12 millions € avant qu’elle soit victime d’un incendie.
L’analyse de ses charges comptables rapportées à ses résultats passés montre :
– des frais variables de 60% du chiffre d’affaires soit : 7,2 millions €
– des frais fixes supportés même en cas de sous activité ou d’arrêt total sont de : 4 millions €
– et un bénéfice avant impôts : 0,8 millions €.
L’incendie a eu pour conséquence de faire perdre 50% des ventes avant de retrouver un niveau normal. Sur les 6 millions € de ventes perdues :
– les 60% d’achats variables du chiffre d’affaires perdu n’ont pas à être indemnisés puisqu’ils n’ont pas été engagé,
– sur les 4 millions € de charges fixes, 50% correspondant aux ventes perdues doivent être indemnisés soit 2 millions €,
– sur les 0,8 millions € de capacité bénéficiaire, 50% correspondant aux ventes perdues doivent être indemnisés soit 0,4 millions €.
Ainsi, la perte d’exploitation indemnisable est de 2 + 0,4 = 2,4 millions, ce qui permet à l’entreprise de rétablir son bénéfice à 1,8 millions €.

L’évaluation nécessite une expertise financière
La pratique a consacré le rôle pivot de l’expertise, tant en procédure d’assurance qu’en procédure judiciaire.
Dans les faits, l’évaluation est très souvent plus complexe que l’exemple ci-dessus :
– le chiffre d’affaires est extrapolé de la tendance de croissance des dernières années,
– sur le chiffre d’affaires réalisé des surcoûts résultant de la désorganisation de l’entreprise peuvent avoir abaissé anormalement le taux de marge sur le chiffre d’affaires maintenu,
– des frais supplémentaires ont pu être engagés pour maintenir un maximum de chiffre d’affaires
– enfin une période complémentaires devrait être parfois indemnisée pour rétablir le potentiel de commandes.

Les liasses comptables annuelles ne sont que des documents synthétiques qui permettent de déterminer un chiffre d’affaires global et une marge moyenne tous produits confondus ce qui est insuffisant en cas d’arrêt d’activité partiel et/ou pour des produits multiples. Ainsi, un travail à partir des Grands Livres Comptable permet d’accéder aux données par période mensuelle et une reconstitution des marges par produit sous la réserve du choix de la clé d’imputation des frais généraux.